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MessagePublié : mar. févr. 07, 2012 22:11 pm 
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Bonjour à tous,
J'aimerais rendre hommage à Jan Van Laere avec qui j'ai recherché en 1999 et 2000 des informations sur un bombardier américain tombé à Grivillers. C'est lors d'une discussion que nous nous sommes aperçus que nous cherchions à éclaircir le même mystère, mais avec des approches différentes.
Nous avons écrit à la suite de nos découvertes un petit article pour le compte du Cercle Maurice Blanchard de Montdidier (décembre 2000).
Au moment où nous avons commencé ce travail, le lieu de crash de ce bombardier était répertorié à Sélestat en Alsace, sur les sites spécialisés de l’USAAF.

L'édition de l'hebdomadaire "LE SANTERRE" du vendredi 24 mars 1944 dans la rubrique - LA REGION SOUS LES BOMBES - indiquait ceci :
… …
Jeudi (16 mars), vers 14 heures, une forteresse volante a fait un atterrissage forcé à Grivillers, à l’intersection de la route de Bus, les dix membres de l’équipage ont été faits prisonniers. L’appareil est intact.
N'ayant que ces quelques lignes comme éléments pour retrouver cette "forteresse volante", je pris rendez-vous avec Jan Van Laere, habitant Dancourt-Popincourt, en espérant qu'il m'aiderait à solutionner mon énigme.
A ma grande surprise, il m'annonça qu'il connaissait l'existence de cet avion américain et qu'une personne de sa connaissance en possèdait des clichés. Malheureusement ne maîtrisant pas beaucoup l'outil informatique il ne pouvait pousser plus loin ses investigations.
Il me raconta alors l'histoire de M. Havart.

Le lendemain de cet atterrissage forcé (donc le 17 mars 1944), Monsieur Havart qui dispose d’un appareil photographique et surtout d’une pellicule – produit très rare à l’époque – se rend sur les lieux pour photographier clandestinement, sous le manteau, le B-17 américain. Il prend d’énormes risques. Le quadrimoteur est gardé par des sentinelles allemandes. Découvert, il pouvait encourir les pires sanctions.
Sans le savoir, ce passionné de photographie vient de saisir sur sa pellicule un document primordial pour permettre à cette enquête d’aboutir, cinquante-six ans plus tard, puisqu’il va livrer les marques figurant sur la dérive de la queue du bombardier à savoir :
- un triangle blanc avec la lettre P à l’intérieur
- les bribes du numéro de série de l’appareil 237848
Sans ces informations il eut été bien difficile d’identifier l’appareil tombé ce jour-là sur le territoire de Grivillers au lieu-dit « Les Greuettes ».
La lettre « P » dans un triangle blanc qui figure sur la dérive du B-17G a permis d’identifier l’unité à laquelle appartient le B-17.
Il s’agit d’un avion américain rattaché à la Huitième Air Force de USAAF, 1st Air Division (Triangle blanc), 41st Combat Wing, 384th Bomber Group (Lettre « P »)
Ce groupe de bombardiers comprend les :
544th Bomber Squadron codé SU
545th Bomber Squadron codé JD
546th Bomber Squadron codé BK
547th Bomber Squadron codé SO
Depuis le 25 mai 1943, le 384th B.G. est stationné dans le NORTHAMPTONSHIRE à Grafton Underwood, station 106, près de Kettering (N-E), à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Londres. Il est équipé d’avions B-17.
Mission sur Augsbourg
Le 16 mars 1944, 679 appareils B-17 et B-24 de la Huitième Air Force ont reçu pour mission de bombarder tant les centres industriels que les aérodromes d’Augsbourg, Friedrichshafen, Gessersthausen et Ulm.
401 sur un total de 501 bombardiers B-17 frappent Augsbourg, dans le sud de l’Allemagne ; parmi eux le 384th B.G. qui bombarde les usines proches de cette ville, notamment l’usine Dornier de Oberpfaffenhofen, en objectif prioritaire, et la base aérienne, en objectif secondaire ; 46 autres B-17 bombardent Gessertshausen et 18 frappent Ulm.
Dix-huit appareils B-17 sont perdus au cours de cette mission ; les pertes parmi les aviateurs sont estimées alors à 1 tué, 10 blessés et 171 disparus.
Le 384th Bomb Group perd deux avions B-17G :
- B-17G 42-37801 « Dynamite Express », Pilote : Lt. Ledbetter du 547th BS lieu de chute : L’Huitre (Aube) ; 2 morts et 8 prisonniers de guerre.
- B-17G 42-37848 « Sissy », Pilote : Lt. Stier du 546th BS lieu de chute : indéterminé
Serial number : 42-37848
Production block : B-17G-15-DL
Plane name : Sissy
Squadron : 546th
Squadron code : BK * E
Comments : Shot down on 3/16/44 mission to Oberpfaffenhofen, Germany. Pilot Lt . Stier.

Le B-17G 42-37848 « Sissy » a été vu perdant de l’altitude après avoir largué ses bombes sur un objectif d’opportunité, certainement l’aérodrome d’Augsbourg. Vraisemblablement endommagé, cet appareil a volé près d’une demi-heure avant qu’il ne soit perdu de vue. Il est répertorié comme s’étant écrasé à Sélestat. Mais on sait depuis qu’il réussit à voler jusqu’à Grivillers.
En ce tout début d’après-midi, l’aérodrome de Roye/Amy est alerté qu’un bombardier américain en difficulté va survoler son secteur.
« J’ai vu l’avion américain passé à basse altitude avant qu’il ne tente de se poser sur le ventre. Trois des ses moteurs ne fonctionnaient déjà plus. Un seul était en état de marche, celui de droite, proche de la cabine de pilotage. Quelques instants auparavant, un chasseur allemand avait dû s’envoler de l’aérodrome d’Amy pour intercepter le quadrimoteur. Mais voyant ce dernier visiblement à bout de souffle, l’aviateur allemand a décroché pour rentrer à sa base, sûr que le bombardier américain entamait sa descente pour se poser. » se souvenait Jan Van Laere.
L’aviateur allemand a très certainement alerté sa base pour préciser l’endroit où le quadrimoteur va tenter alors d’atterrir.
Ce jour-là, Robert Bonte, jeune homme habitant Grivillers, herse une parcelle de terre au lieu-dit « Les Greuettes », tout près du village, à proximité immédiate du carrefour de la départementale 930 et de la route de Bus-la-Mésière. Soudain, il voit descendre et fondre sur lui un énorme bombardier qui cherche visiblement à atterrir.
L’avion touche le sol, continue à glisser, passe à droite d’une rangée d’arbres et s’immobilise enfin dans un immense nuage de poussière. Il était temps. Des lignes électriques se dressent à moins de cent mètres de là. Les dix membres d’équipage réussissent à sortir tous indemnes de l’appareil.
Dès le passage de l’avion américain au-dessus du camp d’Amy, des soldats allemands sont partis à sa recherche. Arrivés à Dancourt, mal renseignés ou ayant une mauvaise estimation du point de chute, ils tournent à droite en direction d’Armancourt.
A mi-chemin, sur un tertre, ils aperçoivent au loin l’avion qui va se poser près du village de Grivillers. Rapidement, un side-car fait demi-tour et fonce pour rattraper la route départementale afin de gagner ensuite l’endroit où le bombardier américain vient d’atterrir.
Malheureusement la chance n’est pas du côté des Américains.
Dès l’arrêt de l’avion, deux aviateurs en sortent et se mettent à courir. En chemin, ils s’arrêtent pour se débarrasser de leurs équipements de vol. Les autres, pendant ce temps sont sortis et enlèvent tout de suite leurs équipements trop gênants pour courir.
A ce moment, arrive une voiture allemande sur la route départementale reliant Montdidier à Roye (D 930). Ses occupants sont surpris de cette rencontre inattendue et hésitent à intervenir.
Mais le side-car arrive alors et un des allemands tire trois courtes rafales de mitraillette ou de mitrailleuse installée sur l’engin en guise de sommation. Les deux aviateurs tentent toujours de s’échapper à travers champs en direction du bois Landelet, situé à peu de distance de là et poursuivent leur course. Le side-car fonce à travers champs, les rattrape puis les ramène vers l’avion où tous lèvent les bras.
Le camion rempli de soldats allemands arrive enfin. Les dix membres de l’équipage du B-17G 42-37848 sont maintenant prisonniers de guerre.
On peut se demander pourquoi le pilote comme les autres membres de l’équipage n’ont pas détruit le bombardier comme ils en avaient reçu l’ordre en cas d’atterrissage en pays occupé ?
Le témoignage indirect de Patrick Van Beveren, fils de John (mort en 1975 à l’âge de 52 ans) est, à ce titre, intéressant.
Ce jour-là, le TSgt John Van Beveren « remplaçait l’opérateur radio/mitrailleur dans l’équipage. Il était en Angleterre depuis près de 3 mois, et avait déjà effectué de 3 à 6 missions. Son travail consistait à détruire l’avion afin que les Allemands ne puissent obtenir aucune information sur l’appareil mais surtout sur le « Norden bomb sight » - le système de visée Norden.
Le système de visée Norden fut un des secrets les plus étroitement gardés pendant la Seconde Guerre mondiale. Inventé par Carl Norden, c’était un calculateur analogique mécanique, composé de gyroscopes, moteurs, équipements divers, miroirs, leviers et d’un télescope. Il était utilisé pour déterminer le moment exact où les bombes devaient être larguées pour frapper l’objectif avec précision. Dans les modèles tardifs de B-17G, le système de visée Norden était capable de diriger l’avion directement sur la zone de largage des bombes couplé au système de contrôle de l’avion.
Il était reconnu pour être assez précis et pouvoir atteindre une cible dans un périmètre de 30 mètres de diamètre à une altitude de 21 000 pieds (4 miles) [soit plus de 6 400 mètres d’altitude]. Dans les conditions réelles de combat cette précision était moindre.
Au cours de ses tentatives, il ne put enclencher la mise à feu, gardant appuyé la gâchette de son 45. Fort heureusement, il vida son arme avant qu’il ne puisse pointer et tirer sur les Allemands qui le capturèrent presque immédiatement. Il fut envoyé au Stalag Luft IV (où il resta) jusqu’à la marche forcée des derniers temps (commençant le 6 février 1945) et fut libéré 13 mois jour pour jour après sa capture (16 avril 1945). »
Robert Bonte se souvient : « Il y avait une pin-up peinte de chaque côté du fuselage de l’avion ainsi que son nom Sissi. Je n’ai pas entendu d’autres coups de feu que ceux tirés par les Allemands. »
Dans les jours qui suivent, des camions citernes pompent les réservoirs. L’avion, gardé par deux sentinelles, restera un mois et demi sur place le temps de répertorier puis de démonter chaque pièce.
Durant cette période, les gardes, abandonnés à eux-mêmes, se ravitailleront en lait chez le maire de Grivillers, M. Ducoulombier. Par reconnaissance, au cours d’une des journées suivantes, celui-ci est autorisé à visiter l’intérieur de l’appareil.
On peut s’étonner de l’exploit du Lt. Stier qui réussit à maintenir en vol son avion endommagé, sur une aussi longue distance, sans être inquiété par les chasseurs de la Luftwaffe. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela.
Il faut se rappeler que le quadrimoteur ne fonctionnait pas au maximum de sa puissance ; plusieurs moteurs étant inopérants. Le commandant de bord a dû s’efforcer de voler à basse altitude. Cela l’a sans doute préservé d’un repérage par les radars allemands.
Jean Hallade dans son livre – La Guerre aérienne et la libération de l’Aisne – nous apporte une autre réponse à cette question. La suprématie du ciel appartient ce jour-là à l’aviation alliée :
(…) « En ce matin du 16 mars l’alerte aérienne retentit à 10 h 30. Le temps est beau quoique le ciel soit couvert de gros cumulus blancs. Jusqu’à midi nous entendons de grosses vagues d’avions. Ce sont les six cent soixante quinze bombardiers américains, quatre cent soixante cinq B-17 « Forteresses volantes » et deux cent dix B-24 « Liberator » allant bombarder les usines aéronautiques « Messerschmitt » à Augsbourg et d’autres objectifs industriels à Ulm et Friedrichshaffen.
Huit cent soixante huit chasseurs les escortent dont cent trente cinq P-51 « Mustang ». Ils vont réussir un beau carton sur la Luftwaffe. (…)
Au-dessus de l’Allemagne, près des objectifs, la Luftwaffe tente d’intercepter les bombardiers lourds. Parmi ceux des chasseurs allemands partis à la rencontre des B-17 et B-24 il y a les « Messerschmitt-110 » bimoteurs de chasse de jour de la ZG-76 (…). Il y a quelques mois ces pilotes de la ZG-76 remportaient encore des succès sur les bombardiers mais les temps ont changé et les chasseurs américains, surtout les nouveaux P-51 « Mustang » accompagnent les bombardiers jusqu’au bout de leur mission.
Quarante-trois « Messerschmitt-110 » de la ZG-76 ont décollé et approchent des quadrimoteurs quand ils sont coiffés par les « Mustang » du 354e Squadron. En quelques minutes vingt-six « Messerschmitt-110 » sont abattus et une dizaine gravement endommagés. Cinq ou six rentrent intacts à leur base et les « Me-110 » de la ZG-76 n’attaqueront plus jamais les gros quadrimoteurs américains.
A partir de 14 heures le temps s’est un peu éclairci et nous observons à intervalles réguliers, une partie de l’après-midi, des chasseurs alliés, quatre par quatre, allant à la rencontre des bombardiers américains sur la route du retour. Les Américains perdent vingt-trois bombardiers et dix chasseurs mais abattent soixante-dix-sept chasseurs allemands
. »
L’équipage du B-17 42-37848 "SISSY" se composait comme suit :
Pilote Lt George STIER
Copilote Lt Harold BERTRAM
Navigateur Lt Ralph HARVEY
Bombardier Lt Robert HEINE
Mitrailleur tourelle supérieure/ Mécanicien de vol SSGT Francis KANE
Opérateur radio TSGT John VAN BEREVEN
Mitrailleur ventral SSGT Alfred DAVID
Mitrailleur flanc droit SGT Francis KLONOWSKI
Mitrailleur flanc gauche CPL Richard NORTON
Mitrailleur de queue SGT Jack LOUDEN

Depuis, Jean-Pierre Ducellier, dans un de ses volumes de "LA GUERRE AÉRIENNE DANS LE NORD DE LA FRANCE", 15 mars 1944 au 25 mars 1944 (p.140 à 145), paru en 2008, a relaté les mêmes faits et les mêmes témoins...

On peut voir les photographies de "Sissy" sur le site américain consacré au 384th Bomb Group :
http://www.384thbombgroup.com/pages/37848.html

Cordialement
Éric Abadie


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MessagePublié : mar. févr. 07, 2012 22:54 pm 
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Inscription : jeu. sept. 27, 2007 23:35 pm
Messages : 2044
Localisation : Berteaucourt-les-Thennes (80) / Vieux-Moulin (60)
Bonsoir

Merci pour cette présentation détaillée. Les Allemands ont certainement pris des photos si l'on en croit cette évaluation ebay : Original B17 Crash photo 42-37848 "Sissy E" 384BG

A+


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