Article du Courrier Picard paru le 27 septembre 2021 par notre correspondant Lucien DJANI
Le 9 juin 1940, début de la Seconde Guerre mondiale. En pleine débâcle de l’armée française, des soldats du 16e et du 24e RTS (régiment de tirailleurs Sénégalais) sont cachés dans l’Oise dans le bois d’Eraine, privés de ravitaillement, d’eau, de nourriture, sans munitions.
Le 10 juin, un des hommes commet l’imprudence de se montrer pour se procurer de l’eau, alors que les Allemands cernent le bois. Après un bref combat, au cours duquel l’aspirant Méchet est abattu, les tirailleurs se rendent et sont emmenés à la ferme d’Éloges-les-Bois, près d’Eraine et de Cressonsacq, sur le Plateau picard. Le 11 juin, le commandement allemand fait séparer les soldats africains des soldats métropolitains. Le commandant Henry Bouquet s’indigne, mais les ennemis rejettent ses arguments. Cet officier, comme les capitaines Jean Speckel et Jacques Ris, les lieutenants Louis Roux, Joseph Erminy, Marcel Planchon et Jean Brocard, ainsi que le sous-lieutenant André Rotelle, sont emmenés en lisière du bois et exécutés d’une balle dans la nuque. Puis enterrés dans une fosse commune par Aka Tano, un tirailleur ivoirien, et Faya Leno, un artilleur guinéen, dont les corps furent ensuite retrouvés à proximité des autres.
Les hommes de troupes métropolitains seront ensuite emmenés dans des camions, en tant que prisonniers de guerre, tandis que près de 150 tirailleurs furent massacrés par la Wehrmacht sur le Plateau picard entre le 9 et 10 juin.
« Nous sommes venus là, sur cette terre où nos frères sont morts » Prévue initialement en mai 2020, puis en juin 2021, la commémoration de ce massacre a enfin pu se dérouler, samedi 25 septembre, à l’initiative de Picardie-mémoire, que préside l’adjudant-chef Michel Dufour.
Dans l’épais brouillard qui nimbait le site, les généraux Garnier, Bonnet et Graff étaient présents, ainsi que Noura Kihal-Flégeau, nouvelle sous-préfète de l’arrondissement de Clermont, et quelques élus, dont le sénateur Olivier Paccaud et la vice-présidente du conseil départemental, Anaïs Dhamy. Plusieurs familles d’officiers massacrés aussi. Parmi elles, la petite-fille du commandant Bouquet, un neveu du lieutenant Louis Roux, prénommé Bruno, 86 ans. « J’avais six ans quand sa mort a été annoncée. C’est un honneur pour notre famille », raconte-il. Des propos approuvés par Catherine, sa sœur cadette. Présents aussi quelques jeunes de l’association nationale Laissez-les servir, conduits par leur président, le capitaine Abdoulhousen.
Autre moment d’intense charge émotionnelle, quand le groupe Bougarabou, composé de musiciens sénégalais vivant en région parisienne mais très célèbres dans leur pays, a joué en hommage aux victimes des massacres. Avant de déclarer en aparté : « Nous sommes venus là, sur cette terre où nos frères sont morts, car eux n’ont pas pu retourner au pays. Nous sommes un trait d’union ! »
Cordialement Eric Abadie
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